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festival du cinéma américain - Page 8

  • En attendant...le palmarès du 34ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

    Profitant encore de Deauville pour quelques jours (c’est honteux, je sais), il faudra patienter encore (mercredi ou jeudi) avant de lire mon bilan de ce festival, mon bilan de cette compétition 2008 (de grande qualité, dont le palmarès me ravit même si je regrettte qu'"American son" n'y figure pas,...même si j'enrage de n'avoir manqué qu'un film de la compétition et qu'il s'agisse du grand prix...), le récit de l’émouvant hommage à Ed Harris, et de nombreuses nouvelles critiques de film.

    En attendant je vous livre ci-dessous le palmarès et quelques photos et vidéos de la cérémonie de clôture (d'autres suivront également). N'hésitez donc pas à revenir sur "In the mood for Deauville" et très bientôt également le retour de l'actualité sur http://www.inthemoodforcinema.com

    PALMARES

    Grand prix

    The Visitor de Thomas McCarthy

      Prix du jury

    Ballast de Lance Hammer  

    Prix de la Révélation Cartier

    Ballast de Lance Hammer  

    Prix de la critique internationale

    Gardens of the night de Damian Harris

    Prix Michel d'Ornano

    Jean-Stephane Sauvaire (Johnny Mad Dog)

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  • Première de "L'échange" de Clint Eastwood en présence de John Malkovich : critique d'un film politique et manichéen

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    John Malkovich, hier soir au CID, présentant "L'échange"
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    Photo ci-dessus, Clint Eastwood lors du 61ème Festival de Cannes (photo "In the mood for Cannes")
     Ce film projeté en Première à Deauville avait été projeté en compétition du 61ème Festival de Cannes. Vous pouvez retrouver ma critique écrite lors de ce 61ème Festival de Cannes ci-dessous et également sur "In the mood for Cannes", mon blog consacré à ce 61ème Festival de Cannes.
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    Ci-dessus, Angelina Jolie dans "L'échange"
     L'évènement d'hier c'était la projection de "L'échange" de Clint Eastwood. Les échos étaient tels que même en séance du lendemain dans la salle du 60ème, sorte de séance de rattrapage qui permet de voir les films le lendemain des projections dans le Grand Théâtre Lumière, la salle était comble 1 heure 30 avant le début de la projection, certains ayant déjà évoqué une potentielle palme d'or pour Clint Eastwood.

    C'est avec fébrilité que j'entrai donc dans la salle, m'apprêtant à vivre une expérience cinématographique aussi intense que "Sur la route de Madison" (mon préféré de Clint Eastwood cinéaste mais aussi acteur, voir ma critique de "Sur la route de Madison" en cliquant ici).

    Le synopsis était en effet particulièrement attractif et propice à un suspense eastwoodien. Clint  Eastwood revenait ainsi hier sur la Croisette de nouveau avec un film noir 5 ans après y avoir présenté "Mystic River" dans lequel jouait un certain Sean Penn...

    Synopsis: Los Angeles, 1928 : un samedi matin, dans une banlieue ouvrière, Christine  (Angelina Jolie) dit au revoir à son fils Walter et part au travail. Quand elle rentre à la maison, Walter a disparu. Une recherche effrénée s’ensuit et, quelques mois plus tard, un garçon de neuf ans affirmant être Walter lui est restitué. Désorientée par l’avalanche de policiers et de reporters et par ses propres émotions, Christine ramène le garçon à la maison. Mais au fond de son coeur elle sait qu’il n’est pas son fils.

    Il en va des films comme des personnes: il y en a que l'on aimerait savoir détester ou par lesquels on aimerait savoir être envoûté. J'aurais aimé porter (et être portée par) un enthousiasme inconditionnel pour ce film d'un des maîtres du cinéma américain, malheureusement j'en suis ressortie avec une impression très mitigée.

     Inspiré de faits réels le scénario a été écrit par Joe Michael Straczynski et nous plonge dans l'angoisse puis le combat de cette mère dont le fils était la raison de vivre et dont le retrouver est la raison de se battre. C'est d'abord un portrait de femme meurtrie, courageuse, déterminée, portée par la foi et un espoir irrationnel qu'Angelina Jolie incarne avec beaucoup de talent, de sensibilité, avec l'aura des stars hollywoodiennes des années 40 et 50, un cinéma auquel Clint Eastwood rend d'ailleurs ouvertement hommage, notamment en nimbant la photographie, magnifique, d'une lumière subtilement surannée.

    Vous vous demanderez alors probablement pourquoi ce film dont l'action débute en 1928 et qui traite d'une réalité lointaine est pressenti pour recevoir la palme d'or alors que Sean Penn a précisé qu'il faudrait que le lauréat ait "conscience du monde dans lequel il vit", tout simplement parce que, et c'est là le grand intérêt du film, en nous parlant des injustices hier, Clint Eastwood nous parle de celles d'aujourd'hui. A quelques détails près, le sujet est finalement effroyablement actuel et le combat de Christine a une résonance intemporelle et universelle, de même que la corruption, le poids de la religion dans la société ou encore le rôle de la presse .

    Au risque de susciter de nombreuses réactions de désapprobation, ce qui m'a avant tout gênée c'est ce qui m'avait gênée dans la fin du scénario de "Million dollar baby": son caractère outrancièrement mélodramatique et davantage encore ici, ce à quoi se prête le style, en l'occurrence celui du film noir: le manichéisme. Ainsi Angelina Jolie incarne une femme qui ne fléchit ni ne doute jamais, le capitaine Jones incarne la corruption sourde des autorités, prêtes à tout pour voiler la vérité, imposer la leur, (même interner une femme saine d'esprit, tenter de lui faire croire et de faire croire à tous qu'un enfant qui lui est étranger est le sien) et donner l'image d'une police exemplaire. La vérité face au mensonge. La justice du combat d'une femme pour retrouver son fils face à l'injustice d'institutions corrompues. L'identification devrait être immédiate et pourtant ce manichéisme a fait que je suis toujours restée à distance, certes constamment là, mais à distance.

     Par ailleurs, si le sujet n'avait été tiré d'un fait réel, j'aurais  eu du mal à adhérer à cette histoire de tueur en série  bourreau d'enfants(dont un instant j'ai imaginé qu'il serait manipulé par la police, créant de nouvelles ramifications dans cette histoire finalement un peu trop limpide à l'image de sa réalisation d'un classicisme certes impeccablement maîtrisé) .

     Clint Eastwood reste un raconteur d'histoire exemplaire, sachant magnifier ses histoires et ses acteurs par une réalisation fluide mais à force de trop vouloir magnifier, à force de vouloir lui aussi, avec beaucoup de conviction, nous imposer sa vérité, il en oublie d'en donner le sentiment ave tout ce qu'elle recèle d'ambivalence.  Certaines scènes demeurent particulièrement réussies comme celle qui nous glace le sang, de la confession de l'enfant ou celle dans laquelle un psychiatre tente de convaincre et se convaincre de la folie de Christine. Nous retrouvons alors ici l'ambivalence qui fait défaut au reste du film, chacune de ses paroles ayant un double sens, chaque rictus, chaque regard, chaque mot pouvant témoigner de sa folie. Une démonstration implacable du caractère alors subjectif de la vérité.

    Clint Eastwood toujours reparti bredouille de la compétition cannoise (à l'exception d'un prix d'interprétation pour Forest Whitaker  dans "Bird") n'a rien obtenu à nouveau pour "L'échange", il  a en revanche été récompensé par le jury présidé par Sean Penn d'un prix pour l'ensemble de sa carrière.

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    Ci-dessus, la montée des marches de Clint Eatswood et Angelina Jolie pour "L'échange" au 61ème Festival de Cannes-Photo L'Oréal Cannes-
    A suivre sur "In the mood for Deauville": l'hommage à Ed Harris et la conférence de presse de Ed Harris et Viggo Mortensen, le bilan de la compétition officielle (Mes favoris demeurent "American Son"," Ballast" dont vous pourrez bientôt retrouver mes critiques et "Gardens of the night" mon favori pour le grand prix ou le prix du jury, je n'ai néanmoins pas vu "The visitor" pressenti par de nombreux festivaliers comme film lauréat et dont le sujet, politique et d'actualité, est un de ceux susceptibles de remporter l'adhésion du jury et un grand prix), la conférence de presse de Juliette Binoche, la critique du magnifique western de Ed Harris, mon bilan du festival, le palmarès, de nombreuses vidéos et photos...probablement à mon retour de Deauville mercredi de la semaine prochaine...
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    Ed Harris en conférence de presse, photo "In the mood for Deauville"
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    Viggo Mortensen en conférence de presse, photo "In the mood for Deauville"
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    L'hommage de Jean-Jacques Annaud à Ed Harris
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    Juliette Binoche lors de la conférence de presse de "Coup de foudre à Rhode Island", photo "In the mood for Deauville"
  • « The yellow handkerchief » de Udayan Passad avec William Hurt, Maria Bello…: “never to give up, never to give in”

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    Il est souvent étrange d’assister à une conférence de presse avant de voir le film dont il y a été question. Soit l’équipe est léthargique et vous imaginez un film soporifique ou avec si peu d’intérêt que même son équipe ne sait pas le défendre, soit elle déborde d’enthousiasme et vous imaginez un film magistral qui se révèle bien souvent en-deçà de ce que vous avez imaginé, (décidément quelle traitresse cette imagination) culpabilisant même de ne pas l’aimer, ce qui fut le cas pour « The Yellow Handkerchief » pour lequel le producteur  Arthur Cohn et ses deux acteurs principaux débordaient en effet d’enthousiasme.

     Pitch : Trois étrangers solitaires (deux adolescents et un prisonnier venant de terminer sa peine de 6 ans) se retrouvent à traverser la Louisiane en voiture. Au cours de ce voyage, ils apprendront à mieux se connaître et à faire la paix avec eux-mêmes.

     Le film alterne entre les séquences du voyage et celles, en flash-back, des circonstances qui ont amené Brett (William Hurt), le prisonnier, à se retrouver en prison.

     Le producteur Arthur Cohn a fait le discours de présentation le plus long de l’histoire du festival –et quand je pense que la présentatrice Gennie Godula avait initialement oublié de lui donner la parole…- (il fallait donc doublement que le film soit à la hauteur) répétant ce qu’il avait dit en conférence de presse  que ce film « dégage une grande force émotionnelle », qu’on en « ressort enrichi personnellement », qu’il « n’y a pas de petits et de grands films  mais des bons et des mauvais » (je vous laisse deviner dans quelle catégorie il classe le sien), nombre de distributeurs l’ayant refusé ne l’estimant pas assez violent. Arthur Cohn remarque ainsi que « 90% des films américains contiennent de la violence. »

     Alors certes la Louisiane est magnifiquement filmée, entre industries effroyables et paysages majestueux. Sa chaleur langoureuse et ses tempêtes dévastatrices contribuent aussi à créer une atmosphère, à en faire un protagoniste de l’histoire, à l’image de ses autres personnages : impétueux et sauvages. Certes c’est très louable de vouloir faire un cinéma « qui fait avancer dans la vie » et « non fuir l’existence » mais malheureusement pour que cela fonctionne il faut qu’il y ait cette alchimie indescriptible, cette magie qui vous envahit insidieusement … et j’avoue ici être toujours restée à distance, jamais vraiment embarquée dans ce voyage, dans ce raod movie qui laisse le spectateur sur le bas-côté (même si un certain nombre d’entre eux a été embarqué et emballé).

     Pour moi il manquait de truculence, de violence, non pas d’hémoglobine, mais de passion, de cette « intensité et sincérité » que William Hurt dit justement avoir aimé dans le scénario, qui a par ailleurs nécessité deux ans d’écriture.

     Les trois personnages se rencontrent d’une manière artificielle et cette impression de fausseté ne m’a pas quittée du début à la fin du film.  Les motivations des personnages sont aussi très floues et surtout je n’ai éprouvé ni sympathie ni même empathie pour le personnage incarné par William Hurt, par ailleurs brillamment incarné mais dont l’impétuosité ne justifie pas forcément la violence et encore moins l’amour inconditionnel que lui  voue May...qui l’attendra tout de même 6 ans. Un parallèle est effectué entre son histoire avec May (Maria Bello) qui l’a mené en prison et celle des deux adolescents. Les uns et les autres éprouvent des sentiments qui ne transpirent pas à l’écran, qui ne trouvent pas de justifications. Même si les sentiments ne sont évidemment pas toujours explicables, ils doivent au moins être crédibles.

     C’est très bien de vouloir démontrer que « dans la vie on a toujours une deuxième et une troisième chance » et qu’il faut «  toujours se battre », encore faut-il comprendre les raisons du combat.

     Un mouchoir jaune déjà envolé et enterré dans les abysses de ma mémoire. Reste une intention louable, la passion de son équipe, la beauté ensorcelante et presque inquiétante de la Louisiane, l’obstination de son producteur à l’image de son film qui aspire à démontrer qu’il ne faut jamais abandonner…ce n’est déjà pas si mal. A défaut d’avoir été embarquée dans ce voyage, j’en ressors au moins en ayant envie de parcourir la Louisiane et de me laisser envoûter par sa sublime étrangeté…

     Avant la  projection fut remis le prix littéraire de ce 34ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, décerné après le mi-pathétique, mi-touchant galimatias du fondateur du festival André Halimi (interrompu par une Gennie Godula consternée), attribué à François Forestier pour « Marilyn et JFK ».

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     Demain, je ferai le bilan de la compétition (j’aurai vu 10 films sur 11 et non 9 sur 10 comme je vous le disais hier) et j’évoquerai mon coup de cœur « American son » projeté hier, sans doute le meilleur des plaidoyers contre la guerre en Irak qui pourrait bien figurer au palmarès.

    J’évoquerai également mes 3 autres favoris : « Ballast », « Gardens of the night », et « Snow Angels », une compétition variée, malgré des thèmes communs, et de grande qualité cette année.

    Quant aux commentaires, j’y répondrai après le festival quand j’aurai un peu plus de 10 minutes pour écrire un « article »… : -)

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  • Hommage à Spike Lee et présentation en Première de « Miracle à Santa Anna »

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    Les hommages constituent toujours un temps fort de ce Festival du Cinéma Américain. L’hommage à Spike Lee, riche en émotions, pour le cinéaste et le public du CID, n’a pas dérogé à la règle. A travers lui, c’est aussi à un cinéma engagé que le Festival rendait hommage et qui sait, si ce n’est pas aussi là le témoignage  du soutien implicite de Deauville à l’un des candidats à l’élection américaine, décidément très présente dans ce festival, Spike Lee arborant constamment un tshirt ou une casquette Obama ou précisant lors de la conférence de presse « On va s’occuper de ça le 4 novembre », évoquant la cause de la communauté noire américaine, lequel Spike Lee a d’ailleurs aussi profité de son passage à Deauville pour se rendre sur les tombes du cimetière américain d’Omaha Beach.

     

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     Mais revenons au cinéma, et au film que Spike Lee présentait en Première,  « Miracle à Santa Anna », à l’origine un roman de James McBride (également auteur du scénario)  qui se déroule en Italie durant la Seconde Guerre Mondiale. Quatre soldats afro-américains s’y retrouvent derrière les lignes ennemies lorsque l’un d’eux risque sa vie pour sauver un jeune garçon italien.

     Ce film de 2H40, très riche, est avant tout un hommage aux G.I’s afro-américains de la Seconde Guerre Mondiale, 1, 1 million de soldats auxquels aucun film n’avait rendu hommage jusqu’alors. Evidemment on établit tout de suite la similitude avec « Indigènes » dans lequel Rachid Bouchareb rendait hommage aux soldats d’Afrique du Nord venus libérer la France, avec lequel il a notamment  en commun son humanité et cette solidarité qu’il met en exergue.

     Malgré (et peut-être aussi à cause de) un dénouement particulièrement mélodramatique et prévisible, Spike Lee réussit son récit « mystique et lyrique de compassion », comme il aime le définir. Au milieu des batailles sanglantes, d’un massacre inhumain, celui de Santa Anna, une Eglise à côté de laquelle des civils ont été massacrés par les Allemands, Spike Lee nous emporte dans un tourbillon aussi dévastateur que salvateur : une histoire d’amitié, d’amour, d’aventure, de lâchetés, de courage, de trahisons, d’héroïsme, et évidemment comme souvent chez Spike Lee, le plus convaincant des plaidoyers pour la tolérance et contre le racisme.   Loin des préjugés raciaux des Etats-Unis, ces 4 soldats se sentent en effet enfin eux-mêmes.

      Au-delà de l’horreur ce qui transparait c’est la profonde humanité, solidarité entre des personnes qui auraient pu se haïr : des personnes âgées et des enfants, des Américains, des Italiens et des Allemands. Dans le film de Spike Lee, il n’y a pas les bons d’un côté et les méchants de l’autre : juste des hommes parfois impliqués dans un conflit qui les dépasse ou les broie, qu’ils soient Allemands, Américains, Italiens, adultes ou enfants, Noirs ou Blancs.

     L’histoire, habilement construite débute par le meurtre d’un homme dans un bureau de poste New Yorkais, par la découverte d’une statue italienne que détenait le meurtrier, puis par un flash back expliquant comment cet homme en est arrivé là et détenait cette statue. Entretemps, en Italie, à l’époque contemporaine, nous découvrons un homme bouleversé par cette nouvelle dont nous devinons que cette histoire n’est pas étrangère à la sienne.

     Si la construction peut paraître artificielle, elle fonctionne néanmoins et puis surtout ce n’est pas là que réside l’intérêt et la richesse de ce film : c’est dans la caractérisation de ses 4 soldats, aussi différents que complémentaires (le doux « géant en chocolat » Sam Train, illettré et superstitieux qui va sauver le petit garçon avec lequel il apprendra à communiquer, le sergent-chef Aubrey Stamps, cultivé et déçu par le système américain,  le sergent Bishop Cummings, l’opposé de Stamps, arnaqueur, tchatcheur et séducteur, et l’opérateur radio Hector Negron, le meurtrier de New York) mais aussi dans la profonde humanité de ses personnages.

    Une histoire poignante dépourvue de manichéisme. Un vibrant hommage à ces soldats qui ont combattu au nom d’un pays qui les ignorait ou les méprisait pourtant. Un film lyrique dans le fond comme dans la forme.

      De l’horreur surgit un miracle : celui de la solidarité, de l’humanité, celui aussi où photographie, sons, interprétation, scénario, contribuent à un film d’une grande intensité, d’une grande conviction, à nous faire croire aux miracles , que l’on peut survivre à de tels drames, que le racisme devienne un terme désuet, inusité mais malheureusement à entendre certaines réflexions, ne seraient-ce que de spectateurs deauvillais, il reste encore beaucoup à accomplir et Spike Lee n’est pas au bout de ses peines et de son combat. Espérons que le résultat de l’élection américaine, le 4 novembre, contribuera également à le faire avancer…

     Le contraste est évidemment saisissant avec la soirée qui succède au film, le Dîner des Deauvillais, sous les lambris du Salon des Ambassadeurs du Casino de Deauville, en présence du jury, d’un Edouard Baer plus joyeusement décalé que jamais, mais aussi de Spike Lee.  Le Maire fait le tour des tables avec un sourire contrit et contraint posant à chaque table la même question et n’écoutant la réponse à aucune. Mon regard un peu désarçonné par ces contrastes, ces émotions contradictoires où cinéma et réalité se font un écho parfois ironique, ce dont Deauville n’est jamais avare, se pose sur le nom de ma table, celui d’un cinéaste auquel la cérémonie d’ouverture était dédié, celui d’un de mes cinéastes favoris et si certains croient aux miracles, j’avais soudain un souhait féroce de croire aux signes du destin. Et tandis que les voix se perdaient dans le brouhaha, dans la musique agréablement assourdissante, je souriais à l’immortel Sidney Pollack, à la magie du cinéma et des hasards et coïncidences de l’existence…

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     Sortie en France : le 22 octobre 2008. Je vous le recommande. Je vous en reparlerai à cette occasion sur http://www.inthemoodforcinema.com .

     A suivre sur « In the mood for Deauville » : mon bilan de la compétition (j’aurai vu 9 films sur 10), la critique et le résumé de la conférence de presse de Maria Bello, William Hurt et Arthur Cohn pour « The Yellow Handkerchief » et  « Dan in real life » de Peter Hedges avec et en présence de Juliette Binoche…

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     Ci-dessus, ma pause désormais quotidienne au cosy lounge Orange situé devant l’hôtel Royal, rendez-vous incontournable des professionnels de cette 34ème édition,  comment ferions-nous sans…

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  • Cérémonie et film d'ouverture: "Mamma mia!" de Phyllida Llloyd

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    D’années en années la cérémonie d’ouverture se raccourcit et les discours se restreignent (au bout de 34 ans probablement les fondateurs du festival ont-ils épuisé leur stock de plaisanteries et de discours lyriques) pour cette année se cantonner à celui du maire de Deauville et la déclaration d’ouverture par celui-ci et l’Ambassadeur des Etats-Unis en France, et une simple photo de Sidney Pollack en guise d’hommage au cinéaste (grand) disparu cette année. La « cérémonie » a  d’ailleurs commencé avec une petite demi-heure de retard liée à l’attente de la présidente du jury Carole Bouquet (juste le temps pour la présentatrice Gennie Godula de  demander sur le tapis rouge à des invités embarrassés ou consternés le nom de leur chanson préférée d’Abba, voire de la chanter, ou de faire de Jean-Paul Rouve un nouveau membre du jury 2008).

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    Ci-dessus: le Maire de Deauville, Philippe Augier, et l'Ambassadeur des Etats-Unis, en France

    Pour cette ouverture les organisateurs ont eu la judicieuse idée de sélectionner « Mamma mia ! », l’adaptation par Phyllida Lloyd (metteur en scène d’opéra et de théâtre)  du spectacle musical éponyme que cette dernière a d’ailleurs dirigée, une comédie musicale vue par 30 millions de spectateurs dans le monde.

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    Une partie de l'équipe du film de "Mamma mia!" avec deux ex-membres du groupe Abba

    mamma mia affiche.jpgD’emblée, ce qu’on remarque c’est le plaisir communicatif des interprètes au premier rang desquels Meryl Streep, une nouvelle fois étonnante et remarquable dans ce rôle qui nécessite autant des prouesses physiques que vocales (à 59 ans elle se montre aussi douée pour les unes que pour les autres).  Elle est aussi tourbillonnante, exubérante et fantasque que son rôle le nécessite prouvant aussi une nouvelle fois la diversité de son jeu. D’ailleurs tout tourbillonne dans ce film : la caméra virevolte, les chansons s’enchaînent à un rythme effréné, les décors et les costume se succèdent à une vitesse fulgurante, presque fascinante, ne nous laissant pas le temps de penser (ce film n’a d’ailleurs d’autre but que de divertir et évidemment pas de nous plonger dans des tergiversations métaphysiques mais il le revendique, ne prétend pas à être autre chose, ne se prenant pas plus au sérieux que ses interprètes  assumant autant la drôlerie que le romantisme, voire le ridicule, et c’est amplement réussi.) « Mamma mia ! » fait en effet magnifiquement danser les regrets, les espoirs, les amours passés, perdus et retrouvés et nous entraîne, hypnotisés presque, dans sa danse échevelée au rythme des chansons d’Abba. J’ai un temps imaginé que la salle du CID de lèverait et partirait elle aussi dans une danse endiablée tant la frénésie des danses et des images, de surcroît si bien mises en valeur par l’écran majestueux du CID, semblait traverser l’écran. Si le scénario est secondaire, il tient la route, et se laisse suivre sans déplaisir. Le côté inéluctablement artificiel et théâtral des comédies musicales n’empêche pas ici une impression de spontanéité et de fraîcheur salvatrices. Ce film, comme l’a défini Colin Firth exhale « une magie insidieuse » à laquelle contribuent en effet les décors helléniques idylliques mais aussi cette luminosité si singulière et ensorcelante que l’on trouve nulle part ailleurs qu’en Grèce, en l’occurrence à Kalokairi (en réalité les îles de Qhiathos et Skopelos ,  et à Damouhari  sur le continent mais aussi aux studios de Pinewood), une luminosité si particulière savamment mise en valeur par la photographie de Haris Zambarloukos. Les musiques délicieusement kitchs (pour preuve, Abba a gagné l’Eurovision en 1974)  du groupe suédois  qui a vendu près de 400 millions d’albums en 10 ans insufflent une joie de vivre aussi pétillante que des bulles de champagne, avec le même effet euphorisant, et même si l’intrigue se déroule dans les années 1990, cette musique, ces costumes et ces décors nous donnent l’impression d’être plongés dans les années 1970 dont tout le film est imprégné. Une comédie musicale positivement légère, festive, à l’énergie communicative que je recommande sans réserves aux adeptes du genre et à tous ceux qui auraient envie d’un bain de bonne humeur.

     La lumière se rallume dans la grande salle du CID alors que les airs entêtants et entraînants d’Abba nous poursuivent encore.  La majorité des spectateurs est déjà partie.  Il faudra attendre encore un peu pour que les spectateurs du CID se déchaînent sur les titres d’Abba mais c’est la aussi la magie insidieuse du cinéma et plus particulièrement de cette comédie musicale : nous avoir à nous aussi donné l’impression d’être entrés dans la danse, une danse qui nous procure elle aussi cette inestimable sensation qu’aujourd’hui est le premier jour du reste de notre vie, du moins le premier jour du reste d’un festival commencé en beauté qui, s’il s’annonce plus sombre, reflet des craintes et des interrogations d’une Amérique tourmentée, nous aura insufflé suffisamment d’énergie pour les supporter.

    A suivre  sur « In the mood for Deauville » : “Married life” et le récit de la conférence de presse de “Mamma mia”.

  • "Sur la route de Madison" de Clint Eastwood

    La venue de Meryl Streep pour l'ouverture de ce 34ème Festival du Cinéma Américain, la projection de "L'échange" de Clint Eastwood en Première de ce même festival, la programmation de "Sur la route de Madison" à l'occasion des "Nuits Américaines": autant de prétextes pour moi pour vous livrer ma critique de ce film sublime...

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    medium_route_1_bis.2.jpgL’éphémère peut avoir des accents d’éternité, quatre jours, quelques heures peuvent changer, illuminer et sublimer une vie. Du moins, Francesca Johnson (Meryl Streep)  et Robert Kincaid (Clint Eastwood) le croient-il et le spectateur aussi, forcément, inévitablement, après ce voyage bouleversant sur cette route de Madison qui nous emmène bien plus loin que sur ce chemin poussiéreux de l’Iowa. Caroline et son frère Michael Johnson  reviennent dans la maison où ils ont grandi pour régler la succession de leur mère, Francesca. Mais quelle idée saugrenue a-t-elle donc eu de vouloir être incinérée et d’exiger de faire jeter ses cendres du pont de Roseman, au lieu d’être enterrée auprès de son défunt mari ? Pour qu’ils sachent enfin qui elle était réellement, pour qu’ils comprennent, elle leur a laissé une longue lettre qui les ramène de nombreuses années en arrière, un été de 1965… un matin d’été de 1965, de ces matins où la chaleur engourdit les pensées, et réveille parfois les regrets. Francesca est seule. Ses enfants et son mari sont partis pour un concours agricole, pour quatre jours, quatre jours qui s’écouleront probablement au rythme hypnotique et routinier de la  vie de la ferme sauf qu’un photographe au National Geographic, Robert Kincaid, emprunte la route poussiéreuse pour venir demander son chemin. Sauf que, parfois, quatre jours peuvent devenir éternels.

    Sur la route de Madison aurait alors pu être un mélodrame mièvre et sirupeux, à l’image du best-seller de Robert James Waller dont il est l’adaptation. Sur la route de Madison est tout sauf cela. Chaque plan, chaque mot, chaque geste suggèrent l’évidence de l’amour qui éclôt entre les deux personnages. Ils n’auraient pourtant jamais dû se rencontrer : elle a une quarantaine d’années et, des années auparavant, elle a quitté sa ville italienne de Bari et son métier de professeur pour se marier dans l’Iowa et y élever ses enfants. Elle n’a plus bougé depuis. A 50 ans, solitaire, il n’a jamais suivi que ses désirs, parcourant le monde au gré de ses photographies. Leurs chemins respectifs ne prendront pourtant réellement sens que sur cette route de Madison. Ce jour de 1965, ils n’ont plus d’âge, plus de passé, juste cette évidence qui s’impose à eux et à nous, transparaissant dans chaque seconde du film, par le talent du réalisateur Clint Eastwood. Francesca passe une main dans ses cheveux, jette un regard nostalgico-mélancolique vers la fenêtre alors que son mari et ses enfants mangent, sans lui parler, sans la regarder: on entrevoit déjà ses envies d’ailleurs, d’autre chose. Elle semble attendre Robert Kincaid avant même de savoir qu’il existe et qu’il viendra.

    Chaque geste, simplement et magnifiquement filmé, est empreint de poésie, de langueur mélancolique, des prémisses de leur passion inéluctable : la touchante maladresse avec laquelle Francesca indique son chemin à Robert; la jambe de Francesca frôlée furtivement par le bras de Robert;  la main de Francesca caressant, d'un geste faussement machinal, le col de la chemise de Robert assis, de dos, tandis qu’elle répond au téléphone; la main de Robert qui, sans se retourner, se pose sur la sienne; Francesca qui observe Robert à la dérobée à travers les planches du pont de Roseman, puis quand il se rafraîchit à la fontaine de la cour; et c’est le glissement progressif vers le vertige irrésistible. Les esprits étriqués des habitants renforcent cette impression d’instants volés, sublimés.

    Francesca, pourtant, choisira de rester avec son mari très « correct » à côté duquel son existence sommeillait, plutôt que de partir avec cet homme libre qui « préfère le mystère » qui l’a réveillée, révélée, pour ne pas ternir, souiller, ces 4 jours par le remord d’avoir laissé une famille en proie aux ragots. Aussi parce que « les vieux rêves sont de beaux rêves, même s’ils ne se sont pas réalisés ». 

     Et puis, ils se revoient une dernière fois, un jour de pluie, à travers la vitre embuée de leurs voitures respectives. Francesca attend son mari dans la voiture. Robert est dans la sienne. Il suffirait d’une seconde… Elle hésite. Trop tard, son mari revient dans la voiture et avec lui : la routine, la réalité, la raison.  Puis, la voiture de Francesca et de son mari suit celle de Robert. Quelques secondes encore, le temps suspend son vol à nouveau, instant sublimement douloureux. Puis, la voiture s’éloigne. A jamais. Les souvenirs se cristalliseront au son du blues qu’ils écoutaient ensemble, qu’ils continueront à écouter chacun de leur côté, souvenir de ces instants immortels, d’ailleurs immortalisés des années plus tard par un album de photographies intitulé « Four days ». Avant que leurs cendres ne soient réunies à jamais du pont de Roseman.  Avant que les enfants de Francesca ne réalisent son immense sacrifice. Et  leur passivité. Et la médiocrité de leurs existences. Et leur envie d'exister, à leur tour. Son sacrifice en valait-il la peine ? Son amour aurait-il survécu au remord et au temps ?...

    Sans esbroufe, comme si les images s’étaient imposées à lui avec la même évidence que l’amour s’est imposé à ses protagonistes, Clint Eastwood filme simplement, majestueusement, la fugacité de cette évidence. Sans gros plan, sans insistance, avec simplicité, il nous fait croire aux« certitudes qui n’arrivent qu’une fois dans une vie » ou nous renforce dans notre croyance qu’elles peuvent exister, c'est selon. Peu importe quand. Un bel été de 1965 ou à un autre moment. Peu importe où. Dans un village perdu de l’Iowa ou ailleurs. Une sublime certitude. Une magnifique évidence. Celle d’une rencontre intemporelle et éphémère, fugace et éternelle. Un chef d’œuvre d’une poésie sensuelle et envoûtante. A voir absolument.

    Remarque: La pièce de James Waller dont est tiré le film a été reprise au théâtre Marigny, à Paris, en janvier 2007, et les deux rôles principaux ont été repris par Alain Delon et Mireille Darc. Cliquez ici pour lire ma critique de la pièce de théâtre.

    Ce article est également publié sur Agoravox.

    Sandra.M